Quantcast
Channel: America Latina (VO) » Hugo Martinez
Viewing all articles
Browse latest Browse all 3

Un ancien guérillero à la tête du Salvador

$
0
0
Salvador Sanchez Ceren et Oscar Ortiz

Salvador Sanchez Ceren et Oscar Ortiz.

Dimanche 1er juin, Salvador Sanchez Ceren et Oscar Ortiz, anciens dirigeants de la guérilla, sont devenus le président et le vice-président du Salvador. Ils rejoignent ainsi la poignée d'anciens guérilleros qui sont arrivés au pouvoir par la voie électorale, après avoir tourné la page de la lutte armée : Daniel Ortega au Nicaragua, José Mujica en Uruguay et Dilma Rousseff au Brésil.

Le Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN, gauche), l'ancienne guérilla devenue parti politique après les accords de paix de 1992, avait accédé au gouvernement avec le président sortant, Mauricio Funes (2009-2014), grâce à une coalition de centre gauche. Mécontent du bilan de cette première expérience gouvernementale, le FMLN s'est présenté à l'élection présidentielle avec une formule pur sucre, sans coéquipier ou allié centriste. Ce choix s'est avéré périlleux : le FMLN l'a emporté de justesse, avec une avance d'à peine 6 000 voix.

Des militants du FMLN, le 1er juin à San Salvador. Jorge Dan Lopez/Reuters

Des militants du FMLN, le 1er juin à San Salvador. Jorge Dan Lopez/Reuters

Le Salvador reste divisé entre les deux partis issus de la guerre civile (1980-1992), qui a fait 75 000 morts : l'Arena (Alliance républicaine nationaliste, droite) et le FMLN. L'Arena a dominé la vie politique jusqu'à l'alternance de 2009.

Des forces centristes ont du mal à s'affirmer : la dernière en date est la dissidence d'Arena emmenée par l'ancien président Tony Saca (2004-2009), la Grande alliance pour l'unité nationale (Gana). Le FMLN a besoin de l'apport des élus de Gana pour disposer d'une majorité parlementaire.

Lors de son discours d'investiture, Salvador Sanchez Ceren s'est engagé à privilégier le développement économique, alors que la croissance a été de 1,7 % pendant la présidence Funes. Le nouveau président a multiplié les appels à l'unité et à la réconciliation nationale. Son prédécesseur n'était pas parvenu à s'entendre avec les milieux d'affaires.

Le défi sécuritaire

Le principal souci des Salvadoriens reste l'insécurité. Le taux d'homicides était à peine inférieur à celui du Honduras, qui détient le record du monde. Il avait baissé à la suite d'une trêve entre les « maras », les gangs de jeunes ultraviolents, connus pour leurs tatouages. Cette trêve avait été négociée entre les chefs des « maras » emprisonnés, avec la médiation d'un ancien commandant du FMLN et de l’aumônier des forces armées. Malgré le soutien des autorités pénitentiaires et policières, et l'appui de l'Organisation des Etats américains (OEA), le gouvernement Funes n'avait pas donné son aval officiel à la trêve, peut-être parce qu'elle suscitait des réserves dans l'opinion. La réduction des règlements de comptes entre « mareros » n'avait pas entraîné une diminution de l'extorsion, principal moyen de financement des gangs.

Sanchez Ceren, le 1er juin à San Salvador. Jose Cabezas/AFP

Sanchez Ceren, le 1er juin à San Salvador. Jose Cabezas/AFP

Depuis que la trêve bat de l'aile, le nombre d'homicides est reparti à la hausse. Le défi sécuritaire reste donc entier. Sanchez Ceren a assuré que l'armée continuerait à patrouiller les rues et à sécuriser l'enceinte extérieure des prisons. Le général David Munguia Payés reste ministre de la défense.

Les États-Unis poursuivront leur coopération en matière de lutte contre le narco-trafic, de formation des policiers et de programmes de prévention dans les zones les plus dangereuses.

Les municipalités gérées par le FMLN bénéficiaient déjà de pétrole vénézuélien à prix d'ami, dont la revente renflouait les caisses du parti. Le lendemain de l'investiture de Sanchez Ceren, le Salvador a demandé l'adhésion à Petrocaribe, l'alliance énergétique pilotée par Caracas. L'adhésion à l'Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA), bloc politique qui regroupe les alliés du Venezuela, n'est pas à l'ordre du jour. Elle avait été explicitement écartée par Funes. Il ne devrait pas y avoir de tournant géopolitique. Un Salvadorien sur trois a émigré en Amérique du Nord.

L'Amérique centrale, une intégration régionale réussie

C'est l'ancien ministre des relations extérieures, Hugo Martinez, qui a pris à nouveau le tête de la diplomatie, après avoir occupé pendant un an le secrétariat général du Système d'intégration centraméricain (SICA), la meilleure expérience d'intégration régionale d'Amérique latine. Hugo Martinez, francophone et francophile, garde d'excellents souvenirs de ses études à Toulouse. C'est un dirigeant de poids au FMLN, où on lui a prêté des ambitions présidentielles.

Mauricio Funes, le 1er juin à San Salvador. Jose Cabezas/AFP

Mauricio Funes, le 1er juin à San Salvador. Jose Cabezas/AFP

Salvador Sanchez Ceren va avoir bientôt 70 ans. C'est un représentant de la vieille garde du FMLN, dépourvu de charisme et habitué à la langue de bois. Il a fait un effort pendant la campagne et lors de l'investiture pour montrer un visage plus avenant. Paradoxalement, Funes lui a facilité la tâche, car l'ancien président a pris sur lui la charge contre Arena.

Six mille voix de différence à la présidentielle, une majorité parlementaire fragile, obligent à chercher le consensus. Il n'y aura pas de croissance sans nouveau pacte social et sans entente avec le patronat. Il ne peut pas y avoir de politique de sécurité publique sans la collaboration des autorités locales, quel que soit leur parti.

Le nouveau vice-président, Oscar Ortiz, 53 ans, dispose d'une excellente expérience en ce domaine. Il a été depuis 2000 maire de Santa Tecla, ville de 200 000 habitants à une demi-heure de San Salvador. Il en a fait un havre de paix et un modèle d'insertion sociale et de participation citoyenne, capable d'attirer l'aide internationale. Oscar Ortiz incarne depuis longtemps le courant réformiste, modernisateur du FMLN, plus proche de l'expérience du Brésil que du Venezuela. Après avoir été ostracisé pendant des années, la direction du FMLN a eu la sagesse de tenter de réconcilier ses différents courants avant d'entamer sa deuxième expérience gouvernementale. Reste à savoir si Oscar Ortiz pourra imprimer sa marque au cours de ce mandat ou s'il sera confiné au rôle de potiche, à attendre son heure.

Quoi qu'il en soit, le Salvador, le Petit Poucet d'Amérique centrale, mérite de réussir. Le dynamisme et l'initiative de ses ressortissants forcent l'admiration.


Viewing all articles
Browse latest Browse all 3

Latest Images



Latest Images